Mercedes-Benz She magazine

u fond, je suis une personne courageuse. Je tiens sans doute de ma mère, qui disait: «Le chien ne me mord pas! Pas moi!» Une bonne attitude. J’ai sans doute été marquée par mon enfance à Hambourg, durant la reconstruction. Nous ne voulions pas trop penser au passé. Nous manquions de tout et nous pouvions donc rêver à des choses qui n’existaient pas encore. J’ai vécu des moments décisifs dans les années 1960 en tant que rédactrice de mode. J’ai demandé aux fabricants de changer de mannequins, car elles ne me paraissaient pas suffisamment photogéniques pour les séances de photos. Lorsque ces mêmes producteurs m’ont ensuite demandé de dessiner pour eux des collections, il m’a semblé clair que nous avions un besoin général de mode contempo- raine. Nous manquions tout simplement de dessinateurs qui osaient créer une nouvelle esthétique! Mon idée d’une mode innovante n’a pas changé: de nouveaux matériaux associés à un langage formel original, réduit à l’essentiel. Le tout sans fioritures, sans effort, comme nous disions. Dans ma quête de la forme parfaite, j’ai été influencée par les évolutions esthétiques, surtout celles de l’architecture et de l’art contemporain. Mon œil est très entraîné, il juge et sélectionne sans arrêt. Je me vois comme la médiatrice de l’esprit du siècle. Mes propres visions et mes inspirations s’entremêlent. La perception est déjà productive en soi: elle consiste à voir non seulement ce qui est, mais aussi ce qui pourrait être. Voilà pourquoi la vision créative provient de nombreuses sources. La façon dont je délimite ces influences est une décision personnelle. Je fais plutôt confiance à mon intuition et à mon flair pour la qualité. Voilà pourquoi je recommande à toutes les femmes qui créent une entreprise de ne pas compromettre leurs idées. Elles doivent s’orienter vers le meilleur de leur époque, se concentrer sur leur produit et ne pas se laisser accapa- rer par les réseaux de communication. Être intrépides. Et calmes: c’est un atout important pour pouvoir interagir avec les personnes censées partager leur vision. Pour que les autres retrouvent leur vision dans la mienne, je dois faire preuve de prudence et de sensibilité. J’ai toujours dit que j’avais une mission, et les missionnaires sont des personnes plutôt sociables, même en période de grands changements. Il n’est pas facile de dire adieu à un processus de création qui a longtemps bien fonctionné, mais la vie continue. Et comme je ne fais pas les choses à moitié et ne supporte pas l’oisiveté, j’ai toujours quelque chose à faire. A Découvrir Jil Sander Originaire de Hambourg, elle est considérée comme la créatrice de mode la plus influente de sa génération. Jusqu’au 6 mai, sa première exposition individuelle internationale « Jil Sander. Präsens » est présentée au musée des arts appliqués de Francfort. museumangewandtekunst.de/en/museum/exhibitions/ jil-sander-present-tense.html « Il faut voir non seulement ce qui est , mais aussi ce qui pourrait être. » TEXTE : JIL SANDER PHOTO : PETER LINDBERGH I did it my way La créatrice de mode Jil Sander raconte comment elle a trouvé son esthétique. Cette photo iconique datant de 1991 compte parmi les portraits les plus connus du célèbre photographe allemand 74 Mercedes-Benz  Mercedes

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